Page:Benjamin Sulte - La guerre des Iroquois, 1600-1653, 1897.djvu/6

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
66
SOCIÉTÉ ROYALE DU CANADA

bares qui les entouraient. Leur développement en ce sens ferait d’eux peut-être aujourd’hui un empire comme on en a vu au temps des anciens Grecs — si l’Amérique n’eût pas été découverte. Cette supposition ne signifie pas qu’ils se seraient défaits de leurs pratiques cruelles, car la cruauté est ce qui résiste le plus longtemps chez les hommes, témoin l’Égypte, la Grèce, Rome et l’Espagne ; mais pour toutes fins, on les verrait, en 1900, approcher de l’état où nous avons trouvé le Mexique et le Pérou, sinon dans le luxe, du moins dans une position sociale avancée. La teinte rouge de leur peau indique une source autre que celle des Algonquins, dont ils diffèrent généralement sous les rapports essentiels. Il faut admettre qu’ils avaient fait quelques pas pour sortir de la condition du sauvage, et, par la même, ils tenaient une supériorité sur leurs voisins du grand cercle ci-dessus décrit. Comme les habitants de la Germanie, ils pouvaient se dire allmenn (allemands), les hommes par excellence. Leur langue était belle, pleine de ressources, et ne variait pas trop d’une tribu à une autre.

Vers l’année 1.600, les Hurons-Iroquois étaient placés comme suit : dans le Haut-Canada ils occupaient la moitié sud-ouest de cette province où sont les meilleures terres, sous un ciel plus favorable que la partie nord-est. Ceux qui étaient rapprochés du lac Simcoe et de la baie Georgienne furent appelés Hurons par les Français, à cause de la mode qu’ils avaient de relever leurs cheveux comme une hure de sanglier. Les autres se nommaient la nation Neutre, le peuple du Tabac. Ces derniers s’étendaient vers Goderich, sur le lac Huron ; les Neutres, vers Saint-Thomas, sur le lac Érié.

À l’est des deux grands lacs, à Buffalolo, Rochester, Syracuse, Oswego, Utica, Albany, étaient cinq tribus que les Français nommèrent Iroquois parce que leurs orateurs terminaient leurs harangues, à la façon des Grecs d’Homère, en prononçant Iro ou plutôt Hiro : « J’ai dit ». Une sixième famille habitait le nord de la Pennsylvanie et portait le nom d’Andastes. Une septième, les Ériés, occupait le sud-est du lac de ce nom ; la huitième s’étendait jusqu’à la Virginie ; c’étaient les Tuscaroras.

Les Hurons, vers 1600, se trouvaient nombreux et pouvaient mettre trois mille hommes sous les armes, si nous ne nous trompons. Les Iroquois ne comptaient guère « dans le monde », par suite, à ce qu’il paraîtrait, des défaites subies dans les combats ; mais nous verrons bientôt que « ce peu qui en restait, comme lin germe généreux, poussa vigoureusement et remplit la terre », selon que s’exprimait un père jésuite cinquante ans plus tard.

Dans tous les pays d’Amérique nous avons trouvé les nations sauvages aux prises les unes avec les autres ; ainsi en a-t-il été partout sur le globe, depuis Adam et Ève.

Les Iroquois d’Albany, appelés Agniers (en anglais Mohawks) étaient les plus belliqueux des cinq groupes dont, nous avons parlé. Ils descendaient par la rivière Chambly et ravageaient les campements des Algon-