Page:Benoit L Atlantide.djvu/127

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— Comment ! — hurlai-je, hors de moi. — Mais qui êtes-vous, alors ?

— Monsieur, — dit avec une dignité comique le petit vieux en se tournant vers Morhange, — je vous prends à témoin des façons singulières de votre compagnon. Je suis ici chez moi, et je n’admets pas…

— Il faut excuser mon camarade, monsieur, — fit Morhange en s’avançant. — Ce n’est pas un homme d’étude, comme vous. Un jeune lieutenant, vous savez, cela a la tête chaude. Et vous devez d’ailleurs comprendre que nous avons quelques motifs, l’un et l’autre, de ne pas posséder tout le calme désirable.

Furieux, j’étais sur le point de désavouer les paroles si étrangement humbles de Morhange. Mais un regard me convainquit que l’ironie tenait sur son visage une place maintenant au moins égale à celle de la surprise.

— Je sais bien que la plupart des officiers sont des brutes, — bougonna le petit vieux, — mais ce n’est pas une raison…

— Je ne suis moi-même qu’un officier, monsieur, — repartit Morhange, d’un ton de plus en plus humble, — et, si j’ai jamais souffert de l’infériorité intellectuelle que comporte cet état, je vous jure que ce fut bien tout à l’heure, en parcourant — indiscrétion dont je m’excuse — les doctes pages que vous consacrez à la passionnante histoire de la Gorgone, d’après Proclès de Carthage, cité par Pausanias.