Page:Benoit L Atlantide.djvu/221

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repoussant de la main toutes ces lettres, je lui dis, d’une voix haletante :

— Continue.

Il acquiesça sans se faire prier.

— Rien ne pourra te donner une idée de la fièvre qui fut la mienne du jour où l’hetman de Jitomir me raconta son équipée jusqu’au jour où je me retrouvai en présence d’Antinéa. Ce qu’il y a de plus bizarre, c’est que la pensée que j’étais en quelque sorte condamné à mort n’entrait pour rien dans cette fièvre. Au contraire, elle était surtout motivée par ma hâte de voir arriver l’événement qui serait le signal de ma perte, la convocation d’Antinéa. Mais cette convocation ne se pressait pas d’arriver. Et c’est de ce retard que naissait ma maladive exaspération.

Ai-je eu, au cours de ces heures, quelques instants de lucidité ? Je ne le crois pas. Je ne me souviens pas de m’être jamais dit : « Eh quoi, n’as-tu pas honte ? Captif d’une situation sans nom, non seulement tu ne fais rien pour t’en affranchir, mais encore tu bénis ta servitude et aspires à ta ruine. » Le goût de demeurer là, à souhaiter la suite de l’aventure, je ne le colorais même pas du prétexte qu’aurait pu m’offrir la volonté de ne pas chercher à m’évader sans Morhange. Si une sourde inquiétude me prenait de ne plus voir ce dernier, c’était pour des raisons autres que le désir de le savoir sain et sauf.

Sain et sauf, d’ailleurs, je savais qu’il l’était.