Page:Benoit L Atlantide.djvu/265

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Une correspondance étrange s’établissait entre le texte et le paysage.

« Sur nos têtes, le ciel ne gardait de ses nuages que quelques traces légères, pareilles au peu de cendre blanche que laissent les bûchers consumés. Le soleil embrasait en cercle les cimes des rochers, faisant saillir sur l’azur leurs lignes solennelles. D’en haut une grande tristesse et une grande douceur tombaient dans l’enceinte solitaire, comme un breuvage magique dans une coupe profonde…[1] »

Fébrilement, je tournai quelques pages. On eût dit que mes pensées commençaient à se clarifier.

Derrière moi, M. Le Mesge, plongé dans un numéro, manifestait par des grognements l’indignation où le jetait sa lecture.

Je poursuivis la mienne.

« De toutes parts, dans la lumière crue, se déployait sous nos pieds un superbe spectacle. La chaîne des rochers, visible tout entière dans sa stérilité désolée jusqu’aux extrêmes sommets, s’allongeait comme un immense entassement de choses gigantesques et informes, demeuré pour la stupeur des humains en témoignage de quelque titanomachie primordiale. Tours écroulées…

— C’est une honte, une pure honte, — répétait le professeur.

« …Tours écroulées, citadelles renversées, coupoles effondrées, colonnades brisées, colosses mu-

  1. Gabriele d’Annunzio, Les Vierges aux rochers. Cf. la Revue des Deux Mondes du 15 octobre 1896, page 867 et passim.