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DÉONTOLOGIE.

tion de celui qui s’est lui-même attribué la dictature morale ?

Son ton est le ton du pédagogue ou du magistrat. Il est fort et sage, éclairé et vertueux ; ses lecteurs sont faibles et insensés ; sa voix est celle de la puissance ; et, cette puissance, il la doit à la supériorité de sa sagesse.

Si tout cela était sans préjudice pour le public, ce serait la satisfaction d’un orgueil individuel, d’un plaisir individuel ; ce serait donc, en ce sens, autant d’ajouté au bonheur général. Mais le malheur est que l’indolence et l’ignorance sont les résultats naturels de cette usurpation d’autorité. Lors même que les préceptes sont fondés sur de bonnes raisons, le développement de ces raisons est une tâche difficile et qui exige de grands efforts ; c’est une tâche à laquelle bien peu se sont montrés compétens. Mais rien de plus facile que de promulguer des préceptes et des lois. Pour cette tâche, tous sont compétens, sages et fous ; seulement les fous sont les plus disposés à l’entreprendre, car l’ignorance n’a pas de manteau plus commode que la présomption.

Le talisman qu’emploient l’arrogance, l’indolence et l’ignorance, se réduit à un mot qui sert à donner à l’imposture un air d’assurance