Page:Bentzon - Le Roman d’un muet, 1868.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vait, et aussi d’appuyer mes lèvres à la place qu’avaient touchée les siennes.

Nous n’avions pas assez de plaisir à être ensemble pour prolonger beaucoup la veillée à Belles-Aigues ; d’ailleurs on repartait de grand matin, et après souper chacun se retira dans son appartement ; le mien était au rez-de-chaussée ; enjamber la fenêtre, puis une haie basse, ne me fut qu’un jeu ; doucement je traversai les allées, en ayant soin d’éviter l’indiscrétion du clair de lune. Ma casquette de voyage à large visière, une blouse trouvée à l’écurie, me rendaient méconnaissable. Arrivé sur la route, je me demandai où j’allais et ce que j’espérais, mais la raison n’a rien à répondre quand la fièvre vous emporte, et sans m’arrêter à compter les impossibilités, je pris ma course dans l’ombre comme un malfaiteur.