Page:Bentzon - Le Roman d’un muet, 1868.djvu/104

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Mes jambes devaient dévorer le terrain, car je voyais de chaque côté les arbres fuir comme des spectres ; jamais l’aile d’un rêve n’a été plus rapide. Il n’était pas minuit quand j’entrai dans le faubourg Sainte-Anne où demeurait Furey. Tout était paisible, le dernier réverbère éteint ; je tirai de ma poche une clef qui ouvrait le jardin et dont je me servais souvent pour surprendre mes amis ; en la tournant dans la serrure, la pensée d’un rendez-vous imploré, promis, me fit presque défaillir. Comme autrefois (cet autrefois qui m’apparaissait si lointain et qui pourtant n’était qu’hier) Jane m’attendait ; que dis-je ? il ne s’agissait plus des entrevues innocentes de ce temps-là ; cachée derrière un rideau, elle guettait le signal qui allait m’amener à ses pieds. La lueur de sa lampe devait me guider jusqu’à