Page:Bentzon - Le Roman d’un muet, 1868.djvu/29

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de mon retour le vit représenter dans l’arène parlementaire les intérêts de sa province. Nous entrâmes à Paris en triomphateurs. Il faut que je m’y sois senti bien malheureux pour l’avoir fui si vite, laissant mon frère derrière moi. Pourtant les premiers jours s’étaient écoulés agréablement ; on ne connaît point Paris pour y avoir été emprisonné douze ans sous les verrous d’une pension ; j’étais comme au spectacle, jouissant de cette fête des yeux, qui se présente à chaque pas sans qu’on la cherche, et je trouvais délicieux de n’être plus le point de mire de notre petite ville. Mais j’éprouvai bientôt une humiliation non moins cuisante : l’isolement au sein de la foule, la situation du paria qui, ayant en lui les désirs, les goûts, les passions d’un homme, ne peut les exprimer qu’à la manière des animaux. Combien de