Page:Bentzon - Le Roman d’un muet, 1868.djvu/30

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fois je regrettai le temps barbare où mes pareils s’éteignaient dans les ténèbres d’un couvent, sans avoir subi le supplice de Tantale qui naît d’une incomplète et fausse initiation à l’existence commune ! Les paysans ne se mettaient plus aux portes pour me regarder passer d’un œil curieux, mais j’attristais une réunion par ma seule présence, je restais étranger aux émotions, aux intérêts des autres. Tantôt j’aurais voulu leur demander à genoux ma part de ce fruit défendu ; plus souvent je leur souhaitais à tous d’être aussi malheureux que moi-même. Je devenais méchant. Lorsque, ignorant que je ne pouvais entendre, on s’obstinait à me parler, j’étais tenté de répondre à cette insistance comme à une insulte. J’en voulais presque autant à celui qui faisait cesser ce quiproquo pénible, car je devinais qu’il