Page:Bentzon - Le Roman d’un muet, 1868.djvu/303

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» Il n’y a pas de gardien plus austère qu’un roué. Ma jeunesse se courba donc sous une règle inexorable comme celle du cloître. Si je n’avais guère d’affection pour mon mari, j’avais en ses lumières une confiance sans bornes. Il me répéta si souvent que rien ne réussissait moins à une femme que d’être romanesque, il me peignit les hommes sous un jour si odieux et me sépara si bien de toutes les bonnes amies, à commencer par sa sœur, qui était une femme de cour, que je me persuadai qu’il n’y avait pas d’existence plus enviable que la mienne, auprès d’un podagre, dans une province éloignée où mes yeux avaient, pour uniques récréations, les beautés d’une nature sauvage. J’employai à les contempler toute la poésie dont j’étais capable, de même que je mis toute la chaleur de mon âme dans