Page:Bentzon - Le Roman d’un muet, 1868.djvu/99

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charitables le traitaient de Géronte et le tournaient en ridicule ! L’instinct, qui à certaines heures d’exaspération faisait de moi une bête fauve, s’était réveillé ; sans souci du lieu où nous étions, j’aurais voulu me venger de cette foule imbécile qui avait gâté mon bonheur en me forçant à le définir.

Depuis l’entretien avec M. de Brenne, je ne me reconnaissais plus. Les précautions, les conseils, les mesures violentes, les obstacles maladroitement suscités, révèlent souvent à eux-mêmes des sentiments qui s’ignoraient. Lorsqu’il m’avait accusé d’être épris de miss Sinclair, j’avais pu nier de bonne foi ; il y avait de cela douze heures à peine, et déjà cette absolue négation eût été un mensonge. Ma conscience, sévèrement interrogée, comprenait enfin que l’amitié peut n’être qu’un