Page:Bera - Double Histoire - Histoire d un fait divers.djvu/70

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tout petit, qu’on me prit au milieu de mes jeux pour me placer devant un livre et me faire répéter des sons. Je répétais, puisqu’on le voulait, mais sans y penser du tout, ne sachant pourquoi c’était faire ; aussi n’avais-je aucun souvenir le lendemain de la leçon de la veille. Ma mère, impatientée, me donnait sur les doigts ; je me mettais à pleurer ; on me renfermait dans une prison, et mon père disait d’un air sombre : « Cet enfant-là n’a pas le goût de l’étude ; il ne fera jamais rien. »

« Menaces, punitions, prédictions sinistres, tout cela m’ahurissait, et je sentais de moins en moins de goût pour l’étude. Quand je voyais le livre, toutes mes facultés compréhensives s’évanouissaient ; quelque chose se figeait en moi ; je devenais stupide, et si malheureux, que je ne comprenais pas comment ma mère n’avait pas pitié de moi.

« Un jour, on eut l’idée de m’acheter un abécédaire où il y avait des bêtes encadrées dans de grandes lettres, avec leur nom à côté. Cela m’intéressa, et me fit sourire au milieu