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Page:Berenger - Les Filles du colonel.djvu/123

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— La voici.

Ernest Samson parcourut du regard les lignes désolantes et laissa retomber la lettre sans prononcer un mot. Mais quelle angoisse sur ses traits ! quelle douleur poignante dans ses yeux !

M. Belormel, assez satisfait de ce calme douloureux quand il redoutait une explosion folle, le fit asseoir, le consola, lui exprima sa sympathie et entreprit de lui démontrer que ce coup, quelque rude qu’il fût, n’était qu’une des nombreuses occasions offertes à l’homme de lutter contre l’existence et de montrer de la philosophie.

Le jeune homme paraissait écouter, serrait la main de son confident et murmurait sans avoir conscience :

— Et moi qui espérais être aimé !

— Être aimé ! répéta le juge avec un haussement d’épaules, mon pauvre bon, ces belles filles-là, voyez-vous, ça aime d’abord sa figure, puis sa toilette, enfin ses caprices… et voilà tout. Aimer un fiancé… pourquoi faire ? Un mari… allons donc ! On les accepte ; quant à leur donner une part de son cœur, pas si sottes : l’amour fatigue et le teint doit être ménagé.