Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/157

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avait été très belle eût été pour le moins de la mauvaise foi, car elle l’était encore assurément. Ses yeux étaient restés ceux de la jeunesse, purs et candides, deux pervenches, auraient dit les poètes de ce temps-là, et sa bouche mignonne et rose avait gardé la forme d’un sourire. Une inaltérable bonté resplendissait dans tout cet aimable visage, et il fallait l’entêtement du chevalier pour avoir résisté dix ans à l’amour de la pauvre comtesse.

Car elle l’aimait, cela va sans dire ; mais elle l’aimait depuis dix ans, ce qui appelle une explication.

L’année même de son veuvage, c’est-à-dire dix ans auparavant, Mme  de Vilanel, qui n’en avouait que trente-deux alors, avait fait la rencontre du beau chevalier, lequel n’en comptait que quarante-quatre, et depuis cette rencontre elle avait déclaré qu’elle ne se remarrierait plus.

Mais contre ce pauvre serment de veuve, Amour et Hasard avaient ligué leurs coups, tant et si bien qu’à la troisième visite qu’il lui rendit, M. de Frileuse comprit qu’elle en voulait à sa liberté. Touché cependant de la naïveté du sentiment tendre qu’il inspirait, il crut devoir à son honneur de s’expliquer avec la