Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/159

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sommes aujourd’hui le premier jour de mai : tous les ans à pareille date, je vous attendrai sur le seuil de ma maison. De quelque endroit où vous soyez, vous viendrez ?… Le jour où vous ne m’y verrez plus, n’entrez point, je serai morte ou je vous aurai oublié.

Et elle reprit, les yeux pleins de larmes :

— Une visite par an est-ce trop demander ?

— Je vous donne ma parole de gentilhomme, fit le chevalier très ému, que tous les 1er mai, à onze heures, je sonnerai à la grille du château de Vilanel.

Et après avoir baisé la main de la pauvre énamourée, il s’éloigna, non sans pester intérieurement contre la vocation impérieuse qui le maintenait célibataire.

Or, cette visite était précisément la dixième que le chevalier lui rendait. Aussi dès qu’elle l’aperçut, son visage se colora de tous les tons joyeux de l’aurore. L’ingrat vit à ce signe qu’il était toujours aimé. Une telle fidélité ne laissa point de l’intimider d’autant plus que la comtesse, selon les rites de la galanterie, était demeurée sans bouger et l’attendait du haut du perron, entourée de ses gens immobiles et graves comme des hérons qui digèrent.