Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/171

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celui qui promène les Haroun-al-Raschid dans les Bagdad lui fit, un soir, en l’un des grands bars de la République, rencontrer en Géraldine sa Baudroubouldour éternelle. Il la vit et l’aima. Et comme ce seigneur était un homme d’un esprit infini, il sentit que, précisément parce qu’il l’aimait, il n’en serait pas aimé. Il se prépara donc à être très malheureux, ou, si l’on veut, à aimer seul, car c’est la même chose.

Elle s’étonnait elle-même, que dis-je ? elle s’irritait, la bonne créature, de lui être si rebelle, et, peu versée dans la théorie de son art, elle n’entendait rien à ce qui lui arrivait.

— Comme c’est drôle, Pepetta, celui-là ne me dit rien du tout. Il est pourtant prince !

Mais la guenuche se méfiait, d’instinct, rien, selon son adage familier, n’étant plus rosse que la nature.

Chaque année, au retour de sa fête — car il y a des saints pour tous les chrétiens — Géraldine s’offrait une joie professionnelle dont la saveur est paradisiaque. Ce jour-là elle couchait seule. Elle redevenait Aldine Gérat pour vingt-quatre heures. Pour se préparer à ce spasme commémoratif, elle allait d’abord à la messe, et, si elle se trouvait en fonds, elle versait sa bourse grande ouverte dans le tronc des pau-