Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/177

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il la battit, comme on bat des pois secs au fléau, à tour de bras, et il voulait l’astreindre au commerce dont la casserole est l’emblème, lorsqu’elle fut sauvée de cette honte par son aventure avec Muzarègne.

La voici :

Il y avait, parmi les instrumentistes de l’orchestre, un petit flûtiste contrefait, à demi bossu, tout à fait cagneux, en outre affligé de strabisme, qui répondait au nom de Muzarègne. Je ne crois pas qu’il eût trente ans alors, mais ce que je puis dire, c’est qu’il excellait en l’art de Tulou et de Taffanel, dont il était le meilleur élève, et que sa place à ce café-concert lut donnait le pain quotidien. Maigre pain, n’en doutez pas, plus souvent bis que blanc et rassis que frais, d’abord parce que la vie pratique réalise peu les promesses du Conservatoire, ensuite parce que, depuis la mort du grand Pan, peu de faunes s’adonnent à la flûte et enfin pour cette raison que le pauvre Muzarègne relevait mal son talent par les charmes de sa personne.

Il se savait laid jusqu’au ridicule et ne s’en consolait que chez lui lorsque, seul avec sa « traversière » d’argent, il adressait, de loin, à Géraldine, tous les chants de son âme éprise. Il l’aimait, en effet, à en périr.