Aller au contenu

Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/187

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

arbre généalogique épuisé de sève et marqué par la grande bûcheronne. Elle avait vingt-deux automnes, car c’est au retour de la saison élégiaque qu’il sied de nombrer les années vécues par ces êtres fiévreux, à la voix brisée, que le poète Millevoye mène au mausolée sur les tapis d’or des feuilles mortes. A défaut de ses père et mère, l’un et l’autre disparus dès son enfance, elle avait été élevée par son grand-père, le vieux diplomate, qu’elle avait en adoration et qui, de son côté, idolâtrait sa chère petite malade. Que n’avait-il pas fait pour la guérir, que ne ferait-il pas encore ? Une partie de sa fortune avait été dépensée à la cure, le reste était à la disposition du sorcier qui lui conserverait son ange par un miracle. Hélas ! où était-il, ce sorcier qui n’avait qu’à venir et frapper le marteau de la porte ?

L’hôtel de Mourcey est voisin de la caserne où le régiment de Philibert Torbier campait alors, et l’une des distractions de la jeune fille était d’y suivre, de sa fenêtre, les manœuvres militaires qui l’emplissaient de sonneries, d’exercices et de mouvement. Elle avait, entre tous, remarqué le beau lieutenant, et peu à peu son cœur dolent s’était pris et rendu à l’attrait que dégage, comme un fluide, le véritable