Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/226

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Pour mon compte, soyez-en sûrs, si l’en était maître de sa vie, je n’emploierais la mienne qu’à vous raccourcir les heures lentes pendant le sommeil de la nature, car vous êtes le public idéal des conteurs. Vous croyez. Oui, vous croyez, comme au moyen âge, au temps où les douces et gaies légendes de notre florilège ethnique allégeaient le servage et trompaient la misère. Vous restez, devant le foyer rembrandtesque, où le lard de la Noël se saure, l’auditoire des « mystères » et des soties, plus crédules aux fées qu’aux anges peut-être, mais francs gausseurs du diable, amis des douze apôtres de N.-S. Jésus-Christ. Cet état d’âme, contre lequel ne prévaudra pas, à dire d’experts, la « gratuite » la plus obligatoire, est précisément celui qu’il faut à l’art des tueurs de temps, vulgo : poètes. Donc un fagot dans l’âtre, et écoutez celle-ci, que les enfants peuvent ouïr, tandis que le grillon porte-bonheur crisse comme un mur qu’on râcle et chante aux joies de la flamme.

Si vous n’avez pas connu Jean Kerlot, c’est que vous n’avez connu personne, car, pendant soixante bonnes années, on n’a vu que lui dans la paroisse. De plus avisé, qu’on en cherche ! Aussi a-t-il laissé du bien à sa parenté, mais