Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/227

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non pas, hélas ! son intelligence, à preuve ce beau moulin sur la côte, aujourd’hui sans ailes, et qui n’est plus habité que par un couple de corbeaux centenaires, déplumés.

Jean Kerlot était parfait chrétien, le recteur a pu le dire, sans mentir, sur sa fosse. On l’a vu du reste au paradis, dans la propre loge de saint Pierre, en train de lui parler, comme je vous parle et de lui raconter les bonnes farces qu’il faisait au diable sur la terre bretonne. Car vous n’ignorez pas qu’en Bretagne, dès qu’il y vient travailler, messire Satanas devient très bête. C’est la Vierge qui veut ça et aussi Madame sainte Anne, à Auray, nos protectrices.

Jean Kerlot le savait, et il en profitait à bénédiction. Du plus loin qu’il l’apercevait, derrière les meules entre lesquelles il se cache pour effrayer les enfants, il lui jetait son chien aux mollets et le forçait ainsi à se montrer, avec des javelles plein les cornes, par conséquent ridicule, comme un épouvantail à moineaux.

— J’aurai ton âme ! lui criait le marchand de ténèbres.

— T’auras rien du tout ! rigolait le Breton, et il l’invitait, par défi, à boire une bolée.

Le diable a toujours soif, c’est son châtiment, et comme un gindre devant un four, je n’ai pas