Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/232

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— Jusqu’au moment où il n’y aura plus rien à moudre.

— Ça va. Je souffle.

Je ne sais pas pourquoi diable le diable s’était transformé en lièvre pour souffler ce vent-là sur le moulin Kerlot, mais il est constant qu’il en fut ainsi. Vingt personnes dignes de foi l’ont vu, de leurs yeux vu, tapi dans un fossé sous cette forme, y diriger l’air d’un chalumeau qu’il avait aux babines. Le moulin tournait nuit et jour et, non seulement il tournait sans repos, mais il tournait seul dans tout le canton, et les autres, immobiles sur les coteaux les mieux situés, semblaient être d’antiques tours de télégraphe aérien hors d’usage.

De telle sorte que toutes les moissons y furent apportées, que les sacs s’empilaient, dedans et dehors, chez l’astucieux gausseur du diable et qu’autant de bons écus de trois livres tombaient dans son bas de laine arrondi et pareil à un étui de jambon. Mais tout a une fin, même en meunerie diabolique, et il ne restait plus de sacs à broyer que pour une journée, lorsque, tout à coup, les ailes se ralentirent, molles, et cessèrent de battre.

Jean Kerlot avait couru au fossé :

— Eh bien, ça ne va plus ? Qu’arrive-t-il ?