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Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/269

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c’est le seul geste de pitié du règlement. Sous aucun prétexte, en aucun cas, on ne le communique, même aux notaires, même à la police secrète, à personne. Il n’est fait exception que pour les seuls juges de cour, s’ils le requièrent expressément, et pour des causes capitales. Or il advint, il y a quelques années, qu’une de ces causes étant venue à mon tribunal, je dus me réclamer de notre privilège. Il retournait d’une affaire de meurtre dans lequel était impliquée, et inexplicablement, une fille de dix-huit ans que nous appellerons, si vous voulez, Louisa. Toute la lumière sur le crime sombrait sous cette question enténébrée : Louisa était-elle, oui ou non, fille soumise, et par conséquent inscrite au formidable registre ? Il y allait d’une et même de deux têtes, car à cette époque on les tranchait encore.

« Louisa était inscrite, — en carte.

« Ah ! vous ne savez pas comment elles se résignent à cette ressource, la dernière avant le réchaud ou le plongeon dans ce bon fleuve d’oubli qui roule autour de Notre-Dame ! Une famille sans pain, devant qui tout crédit se ferme, le chômage du père, le désespoir d’une mère aveugle à force de larmes, un petit frère blême de faim, de fièvre et de froid, la honte