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Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/273

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« Vous pensez si je me détournai rapidement pour lui épargner l’anxiété dont la rencontre pouvait l’étreindre. Je savais, seul au monde sans doute, mais enfin je savais ! J’avais lu le registre. J’avais, dans mon cabinet de juge, interrogé la malheureuse. Tout son bonheur, sa vie peut-être, dépendaient du conflit de nos regards entre-croisés, non pas,   certes, qu’elle eût rien à craindre de mes lèvres scellées, mais sa propre émotion pouvait la trahir, justifier au moins de questions fatales contre lesquelles elle n’était pas de force à se défendre, car, dans ce pauvre corps de martyre, souillé de toutes les boues du trottoir, la nature, qui n’en met pas, elle, de femmes en carte, avait allumé une âme lumineuse comme l’azur de ses yeux et totalement incapable du moindre mensonge. Si elle avait « tout » dit à son futur avant le mariage, elle ne lui avait pas dit « cela », puisqu’il l’épousait, car la philosophie amoureuse de l’ouvrier parisien va jusqu’au registre, mais s’y arrête, et quel cataclysme s’il lui demandait « cela » ! Elle le dirait.

« Il n’y avait qu’un parti à prendre, celui, messieurs, que vous auriez pris vous-mêmes : renoncer à la goujonnée miraculeuse et au joli