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Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/276

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Il revint à sa statue, qui tremblait de vie dans la pénombre, et, comme il s’apprêtait à en humecter la glaise, un hurlement de bête égorgée déchira l’air de la petite cité. C’était la voix de Marina. D’un bond de tigre, il fut sous les tilleuls. Devant le puits de l’allée, elle était étendue, toute palpitante, les deux bras ramenés en croix sur le visage, et elle criait éperdument.

Tous les artistes arrivaient l’un après l’autre, offrant leurs services.

— Laissez, fit Pétrus, un médecin seulement.

Et le statuaire, qui était d’une force athlétique, la souleva comme de l’ouate et l’emporta entre ses bras à son atelier.

Elle était vitriolée.

Le célèbre statuaire Falguière qui, le siècle dernier, fut le maître de la décoration monumentale et le chef de l’école toulousaine, n’a jamais eu d’élève dont il fût plus fier que de Pétrus Lymon, et je l’ai entendu vingt fois moi-même lui présager gloire et fortune.

— Tu verras, me disait-il de sa voix chaleureuse et chantante, c’est le sculpteur de la femme moderne. S’il trouve le modèle de son idéal, il nous enfoncera tous, moi, Paul Dubois, Mercié et les autres !