Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/287

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range au fond, tout au fond du tiroir dont il a seul la clef, sous l’amas des papiers de famille. Puis il éteint la lampe électrique, et il retourne au lit conjugal. Adèle dort, douce, charmante, rayonnante de foi amoureuse, du sommeil pacifique des saintes que le Juste fait relever du poste terrestre de la vie, les mains jointes. Mais lui, le pauvre Charles, il ne dormira plus, ni cette nuit, ni les autres : — les Euménides ont passé !…

Sauf le front carré ethnique, il ne demeurait plus rien, en Charles Lemalô, de la race celtique, si rebelle aux fatalités, dont il relevait par ses origines.

La malheureuse Adèle, désolée, ignorant tout et ne devinant rien, voyait son Charles changer d’heure en heure, — il avait grisonné en quinze jours, — ne comprenait pas ce qui le détachait d’elle, et elle regardait s’en aller son amour comme une mère regarde, de la falaise, s’effacer la fumée du navire qui lui emporte son petit.

— Qu’est-ce que tu as, enfin…. Mais qu’est-ce que tu as ?

— Rien…. Je ne peux pas te dire…. Une espèce de neurasthénie…. Ni cause, ni prétexte…. Je vais très bien…. Mes affaires aussi…. Ça s’en