Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/296

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d’abord payé la moitié. Le bruit courait qu’il restait débiteur du reste, mais la rumeur s’arrêtait là, et personne n’était inquiet sur le complet versement de la créance. Il eût suffi, pour clore le bec aux médisants, de leur objecter la fécondité probante et victorieuse de Mme  Camuret qui, tous les ans, ornait d’un enfant nouveau son front conjugal d’heureux père. Se charge-t-on ainsi, si on ne peut ni les élever ni les nourrir, de six bouches roses en six années ? Enfin, Me Courtembuche ne tarissait pas d’éloges sur l’intelligence, la probité, l’activité de son « élève » devenu le titulaire de sa charge.

Au cercle, donc, attablés, l’un devant l’autre, le notaire et le capitaine trompaient leur ennui de province par une partie naïve d’innocent écarté, Camuret ayant déclaré qu’en fait de jeux il n’en connaissait pas de plus amusant, ni d’autre, excepté le billard auquel il n’avait pas joué depuis son mariage. Au bout d’une heure le trésorier fut « nettoyé » de ses trois louis. Il dut déclarer à son partenaire qu’il était obligé de lui faire charlemagne. « Les brochets, marmonna-t-il entre ses dents, n’auront que le cuir de la bourse. »

Soit que Camuret n’eût pas entendu, soit qu’il n’eût pas compris la réflexion dont le sens