Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/305

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s’arrête à la porte et il écoute… Ce sont des sanglots, des cris étouffés, le bruit d’une douleur immense !… Non, Irène n’est pas coupable. Le misérable l’a prise, cosaquée… C’est évident.

Et puis, quand même elle le serait, coupable ? Il l’aime, — qu’on explique cela, jamais il ne l’a aimée davantage, ni autant, la malheureuse.

Il redescend, sans revolver, dans le jardin ; il y tourne et vire, marchant sur les plates-bandes, butant aux arbres, pareil à un aveugle égaré en forêt, et son tourment se mêle à celui qu’elle endure, qu’elle doit endurer, de se douter qu’il doute d’elle. Que craint-elle de lui en ce moment ? Qu’il la tue ? Tuer Irène, Léon ! C’est absurde, voyons ! Le divorce ?… Il ne l’aurait plus alors, on les séparerait ?… Vivre sans la voir, l’entendre, l’embrasser ? Cette conception lui échappe. Qu’est-ce que cela prouve, en somme, une bague perdue et remplacée ? Rien. Si, tout ! Et puis, après ? Quand il aura supprimé Jacques, en sera-t-il plus mort qu’il ne l’est pour elle, et disparu pour lui, dans ce nouveau monde où il s’efface avec le steamer et sa fumée fuligineuse ? Car il y a encore ceci : que Noirot pouvait ne pas retrouver la bague ou ne pas la lui remettre, et que,