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Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/359

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« Mais on se fait à tout, a dit un écrivain.

« Au bout d’une heure, nous repartîmes. Nous arrivons à une rue, on nous fait mettre en queue, l’un derrière l’autre, comme des capucins de carte, et, à l’abri des maisons, nous traversons le pays. Il me serait impossible de vous dire le nom du pays. Là on s’arrête encore une fois. Je voyais devant nous une sorte de fossé dont je ne pouvais m’expliquer la destination. Tout cela m’est présent comme d’hier. Nous y descendons, et Balognet crie :

« — C’est là !

« C’était là, en effet, que devait pour nous se passer la bataille. Nous y restons debout, l’arme au pied, le sac au dos, jusqu’à environ cinq heures du matin. L’herboriste faisait peine à voir. Il s’appuyait des deux mains sur son fusil et oscillait à droite et à gauche. C’était risible.

« Enfin le colonel arriva. Il paraît que c’était lui qu’on attendait. Il avait le teint animé. Il nous passa en revue et nous harangua. Je n’entendis pas un mot de tout ce qu’il disait, mais je compris qu’il parlait de la trouée. C’était bien elle ! Ah ! monsieur ! le sang me bouillonnait dans les veines ! Je jurai intérieurement de vendre chèrement ma vie ; on n’a pas deux fois de pareilles émotions dans une existence !