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Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/69

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pourquoi déplacer la barque dormante de son charmant lit de nénuphars ? Le motif y perdait sa plus jolie note peut-être. L’enfant regardait de côté et d’autre, comme indécis sur une besogne qui lui incombait. Enfin, il battit des mains, et tirant le bon terre-neuve docile par une oreille, il l’attacha, en riant, à la tige flexible du genêt, et, de la laisse, il lui fit une rosette. Ma vision d’art s’obscurcissait de plus en plus, lorsque, à ce moment, la femme monta dans la barque et y reçut l’enfant qui y bondit comme un chevreau léger.

— Allez, clama la voix de la fenêtre.

Et voici ce que je vis, paralysé par l’épouvante.

L’homme brun avait chassé la barque d’un coup d’aviron, sur l’étang. Elle avançait entre les gramens flottants. La femme souriait à l’enfant et elle lui montrait des libellules posées sur les plateaux d’or des nénuphars.

L’enfant extasié se penche pour en saisir une au vol… et la femme le pousse !… Oui, suis-je halluciné ?… la femme le pousse.

Par un rétablissement de clown, le petit garçon s’est redressé dans la barque. Il est debout. Il tremble de la tête aux pieds. Il a compris. Il se jette aux genoux de sa tante. Il lui demande