Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/70

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grâce… Mais je n’entends pas ses cris, je ne les perçois que par les gestes. Silence inexplicable. Je suis gris, assurément ; le coup de l’étrier m’a-t-il privé du sens de l’ouïe ?

La tante s’est attendrie. Elle implore visiblement son complice, l’oncle. Mais il a surgi, terrible. Il a levé l’aviron sur la tête de la femme. Il la menace de l’assommer et de la jeter, elle aussi, dans l’étang, qu’il lui montre du doigt.

Il faut en finir. Elle se résigne. Elle l’aide à tirer du fond de la barque une pierre cordée… L’enfant s’abat, évanoui d’horreur, sur le banc de la barque. Elle lui attache elle-même la corde au cou, sur la collerette… Il n’oppose plus de résistance… Il est déjà mort… Elle l’embrasse sur le front… Oh ! la hyène !

Je veux hurler, m’élancer, empêcher l’abomination ; mais j’ai tout le poids de cette pierre aux pieds et, dans la gorge, tout ce silence.

Ils l’ont pris sur le banc ; elle, par la tête, lui sous les genoux ; ils le balancent, ils l’ont précipité dans la nappe d’azur de l’étang en fleurs… L’eau jaillit en gerbes, deux fois, l’une pour la pierre, l’autre pour l’enfant…

— Ah ! ah ! ah ! misérables ! J’ai tout vu !… j’étais là, dans l’ombre du château, en face.