Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/90

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veux-tu ? » Et il m’entraîna dans une allée ombragée qui longe la terrasse du bord de l’eau et où il n’y a jamais personne. Lorsque nous l’eûmes cinq ou six fois arpentée, aller et retour, d’un bout à l’autre, je criai grâce et demandai à m’asseoir, et me jugeant assez « évaporé », Charles acquiesça, en riant, à mon désir. Nous prîmes des chaises à la pile, et les ayant disposées à l’abri d’un socle de statue qui projetait une ombre délicieuse, nous partîmes en causerie. Pour de jeunes officiers français, elle n’ouvre guère, on le sait, que deux chemins, et elle n’a presque que deux thèmes, l’armée et les femmes. Nous avions épuisé le second pendant le déjeuner, mais le premier restait inépuisable à nos rêves d’avenir. Dans quel corps allions-nous être versés, l’un et l’autre ? Mon cousin en tenait pour l’Afrique ; moi, pour l’Est et la frontière, car, en ce temps-là, le sang de ma race me bouillait aux veines et je croyais à des tas de choses auxquelles ma foi militaire a fait tristement faillite.

— Ce qui me plairait de l’Afrique, me disait Charles, ce serait d’y servir sous le fameux général de Madiran, qui y commande. Il est la plus franche gloire du métier, à l’heure présente. Mais pourquoi ris-tu ?