Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/99

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duction, exclusivement. Inutile de dire qu’il n’avait pas mis les pieds dans la ville des doges : cela se voyait du premier coup d’œil et il ne cherchait pas à duper le monde.

La première fois que Lazoche était allé offrir une de ses toiles à un marchand, voici, sur son récit même, comment la chose s’était passée.

J’entre au hasard et je dis :

— C’est une vue du Grand Canal ; combien allez-vous m’en donner ?

Le marchand la regarde et me répond, comme je le dis :

— Avec votre signature, rien ! Sans la signature, trente francs.

Moi, je demeure stupide. Quelques jours après, je renouvelle l’expérience avec un autre, qui me tient exactement le même langage. J’ai renoncé à comprendre, voilà tout.

Et le brave garçon ajoutait avec mélancolie :

— Peut-être ce nom de Lazoche est-il composé de syllabes fâcheuses, ou a t-il été déjà compromis pas un barbouilleur précédent !

Cette veine trouvée, Lazoche la suivit sans se torturer l’imagination pour varier son sempiternel Grand Canal. Si un jour il avait placé dans sa toile le Palais des Doges à gauche et la gondole à droite, le lendemain il flanquait la