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mentaire qu’il porte au milieu du visage et qui, sous le titre de nez, lui sert en outre à nasiller les vocables articulés.

Comme Robert Schumann, déjà nommé, Saint-Saëns, compositeur, était un peu entravé par Saint-Saëns virtuose, du moins dans le développement dramatique de son génie. Il cherchait son poète. Le bruit de nos rimes l’attirait chez Catelain, où il y avait de tout, excepté un Scribe.

Le poète d’un musicien est et ne peut être qu’un double de ce musicien, et il faut qu’il lui ressemble comme un frère. Le livret est une œuvre de sacrifice, presque d’abnégation, et le vers musical, ou plutôt musicable, doit renoncer au bénéfice propre de sa verbalité. Les mots se cabrent bien souvent sous les notes, et c’est sous ce jour qu’on perçoit la cause de la véritable haine que Victor Hugo vouait à ses traducteurs harmoniques.

Je sais, car il me l’a dit, que Saint-Saëns nous a boudés de n’avoir compris, ni les uns ni les autres, son désir d’entente artistique à ce sujet.

— Avez-vous été bêtes de me lâcher aux librettistes !

Mais je crois qu’il se trompe et que l’accord n’est pas possible, du moins dans notre langue. L’attelage est dévolu aux ruades, et, sur la montée du Parnasse, les deux moitiés du Pégase dissocié tirent à hue et à dia.

Le dîner des Trop Serrés, comme toutes ces réunions de jeunes gens, était tumultueux, gesticulatoire et abondant en facéties joyeuses. Je n’ai pas besoin de vous dire que, composé en grande partie de peintres, le calembour y régnait en maître.