Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/116

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— Une fois pour toutes, avait décrété Paul Ferrier, il est entendu que le calembour sera haussé à la vertu de rime riche jusqu’à la dissolution de notre conglomérat !

— Oh ! conglomérat ! s’était écrié Saint-Saëns.

Et, s’élançant au chaudron denté que Catelain avait pour les festins de noces, il lui avait arraché un hymne « à la fiente de l’esprit qui vole » dont nous lui jetions les rimes.

— Conglomérat… Albert Mérat… Mon aimé rat… Et cætera

Il excellait dans ces improvisations, qui étaient la joie de notre petite fédération sans bannière.

Il me sonne encore dans la mémoire certaine marche fuguée et contrepointée, à la façon de Chérubini, d’une technique magistrale, qu’il avait composée sur le simple trisyllabe de la plupart de nos noms, et dont nous étions à la fois les choristes et les chorégraphes. Elle était notre pæan, et bien avant dans la nuit nous en marquions encore le pas dans la galerie de Montpensier déserte et sonore. Gewaert, à qui je la chantai un jour, à l’Opéra, dans le bureau de Lapissida, voulut à toute force la prendre sous ma dictée, de telle sorte qu’on la retrouvera de sa main au Conservatoire de Bruxelles.

À la fin du repas, Coquelin nous débitait des vers inédits et spécialement faits pour lui par « ses » poètes. Il allait, le matin, les prendre à peine éclos, sur leurs tables, comme on déniche des oiseaux dans leurs nids, à l’aurore. Les plus nouveaux étaient les beaux, et, à l’écouter les dire, on croyait réellement que le temps était aux chefs-d’œuvre. Mais c’était toujours du Théodore de Banville que nous lui redemandions,