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d’enthousiasme, d’un pèlerinage à Munich, en Bavière, et d’un saint ignoré de mon calendrier. L’un de ces visiteurs était Villiers de l’Isle-Adam. Il ne tenait pas en place et sautait d’une banquette à l’autre dans des attitudes d’écureuil qui décortique une noix qu’on veut lui prendre.

Les deux autres, couple rayonnant, unis par un mariage où toutes les muses et Apollon lui-même avaient présidé, c’étaient Catulle Mendès et sa femme, Judith Gautier, la fille aînée de Théo l’impeccable. Je les ai vus là pour la première fois, sans me douter que nous dussions être plus tard liés par la double chaîne de la famille et de l’amitié, et le souvenir de cette rencontre me reste comme une apparition de la perfection humaine. De tels êtres sont faits pour nous rendre au culte des dieux, à la foi en leurs incarnations terrestres et à la splendeur mystique du panthéisme.

Ils allaient tous les trois voir Richard Wagner en Allemagne et venaient chercher les permis que Gouzien leur avait obtenus de la direction. Edmond Tarbé les leur remit lui-même, leur souhaita bon voyage et me reçut dans son cabinet.

J’ai toujours été fort timide, et mes meilleurs amis m’ont souvent dit que les efforts que je fais pour dompter ou masquer ma tramontane ne servent qu’à en aggraver les effets fâcheux. La gaffe est ma muse.

— Vous êtes sans pareil en ceci, m’assurait un jour Mme Jane Hading, que vous dites toujours ce qu’il ne faut pas dire, et vice versa du reste. Le don de l’impair le dispute en vous à sa fatalité.

Elle avait raison, mais j’ai essayé de me taire, sys-