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point bonnes. Le 30 juillet, Frossard avait succombé à Sarrebruck. Le 4 août, c’était Douay, enseveli à Wissembourg, dans sa défaite. Enfin, le 6 août, Reichshoffen et sa charge héroïque.

Le récit de cette chevauchée de ballade allemande m’enflamma d’autant plus que mon héros, Mac-Mahon, y jouait un rôle conforme à l’admiration qu’il m’inspirait. Je revins au logis, m’y enfermai, et je rimai de verve et d’affilée l’ode, longtemps célèbre, à laquelle j’ai dû ma modeste renommée. Elle était intitulée Les Cuirassiers de Reichshoffen. Elle fut dite au Théâtre-Français par Coquelin et elle transporta la salle.

On a dit et l’on a pu dire que l’ode aux Cuirassiers de Reichshoffen avait porté Mac-Mahon à l’Élysée et déterminé sa présidence, mais c’est exagérer le pouvoir de la lyre, et je n’ai pas, grâce à Dieu, à me reprocher le 16 mai. Il n’est pas douteux cependant que ma modeste tyrtéenne n’ait beaucoup aidé à la popularité du maréchal par la légende au moins dont elle auréola son nom.

Depuis la matinée où Coquelin, en uniforme de garde national, lança pour la première fois le poème sous le lustre de la Maison de Molière jusqu’à l’armistice, et même bien au delà, Les Cuirassiers de Reichshoffen ont été dits, déclamés et récités, non seulement par les comédiens, mais par tous ceux qui se piquaient de débit, et je rencontre assez souvent des contemporains qui savent par cœur encore tout ou partie de mes cent vers. Grâce à eux je ne m’en irai pas de ce monde sans avoir voltigé sur les bouches des hommes.

Du reste, l’ode fit recette, Édouard Thierry, dans