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son livre sur la Comédie-Française pendant la guerre, le Siège et la Commune, en fait foi, et Villemessant m’en acheta la publication dans Le Figaro. Il me la paya cinq louis, ce qui était sans exemple pour des vers chez ce carminophobe. Je vois encore le père Legendre, les bésicles tombées du nez, m’aligner, avec stupeur, par le guichet de cuivre, l’un de ces billets bleus que m’avait révélés Henry de Pène ! Il y a des heures inoubliables. C’était le talent d’or dont Thèbes rémunérait Pindare, prince des lyriques. Je n’ose dire à quel point d’opportunité il tombait dans mon escarcelle.

Par un sacrifice que la Comédie-Française demandait alors, à cause de la dureté des temps, à tous ses amis et connaissances, les droits d’auteurs étaient, sinon supprimés, du moins remis à des jours plus prospères, et l’on n’en touchait rien à la Société.

— Nous te revaudrons ça, me disait Coquelin à chaque récitation nouvelle du poème. C’est comme si tu avais cinq actes en vers reçus d’avance par le Comité.

Et j’en composais d’autres, sous l’œil, ou plutôt à l’œil, de Dieu, qui, présentés par ce merveilleux diseur, aidaient le théâtre à subvenir à ses premiers besoins.

Je ne sais pas comment le billet de Ninon à La Châtre était libellé par cette courtisane, mais je pourrais en donner le modèle. La première pièce, en effet, que, confiant en l’oracle de mon Cuirassier, j’offris à cedit Comité, la paix venue, me fut refusée avec, c’est le cas de le dire, tous les honneurs de la guerre. Je veux croire qu’elle était bien mauvaise, mais comme pour une dizaine d’autres qui la