Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/205

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Et voilà où l’on était arrivé, après Sedan.


— En voici toujours un, me dit Alexandre Grand en plaçant sur la table le flingot qu’il rapportait de Batignolles.

C’était d’ailleurs un fusil à tabatière transformé et qui avait dû figurer dans une panoplie comme fusil à pierre. Il eût été déjà ridicule sous Louis-Philippe ; en septembre 1870 il était navrant. Mais tous les chassepots avaient été dirigés sur l’Est. Les francs-tireurs s’armaient à leur compte chez les armuriers.

Je vois encore ce fusil pour deux, sarbacane à moineaux, longue comme un jour de siège, c’est la métaphore de circonstance, et qui, sans baïonnette, dépassait déjà d’un quart de mètre la tête de mon camarade.

— Et le tournebroche ?

— Il n’y en a pas pour le moment.

— Et l’uniforme ?

— Même jeu, fit-il. J’ai acheté deux képis en attendant. Choisis.

Sur les deux casquettes symboliques, l’une, trop petite pour moi, était trop grande pour lui et vice versa.

— Il y a un moyen, coupe tes cheveux sur l’autel de la patrie.

— Oui, mais tu prendras perruque pour elle.

Sur la place des Ternes, devant l’église, il y avait tous les jours un gros garçon boucher, taillé en hercule, qui remplissait l’office de sergent instructeur et enseignait l’exercice. Les uns armés de cannes, les autres de manches à balais, quelques-uns, mais rares, du « tube meurtrier », comme dit Chateau-