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qui n’est pas un mauvais recueil de vers, j’atteignis aux plus hauts prix dont puisse s’honorer un poète dans une société bien faite. Plus tard, au Moniteur, je décrochai le billet de mille mensuel parce que, d’abord, l’Empire gâchait l’argent, ensuite, parce que j’y faisais non seulement les théâtres, mais la musique et les beaux-arts, et enfin parce que j’étais officier de la Légion d’honneur !… Mais à présent je suis vieux, cacochyme et démodé, nous avons à verser cinq milliards à la Prusse, et ce n’est ni le lieu ni le temps de ruiner les braves gens qui s’intéressent encore à notre déplorable commerce d’écriture.

— Et alors ?

— Deux mots rayés nuls, monsieur, te dis-je.

Et je lus : « …au prix de deux cents francs l’article ».

— Je n’en voulais que cent. C’est cet homme d’affaires qui a refusé : nous nous sommes disputés comme des chiffonniers. J’ai cédé à deux cents à cause de toi, pour sauver ta réputation, mais ne recommence pas, et viens déjeuner.

Mais revenons en arrière. En 1871, je ne connaissais pas encore Théophile Gautier, ne l’ayant vu qu’aux premières, dans les couloirs de théâtres. Il avait écrit sur ma première pièce, puis sur mes poèmes récités à la Comédie-Française, des lignes élogieuses dont je n’avais jamais osé aller le remercier, tant le respect qu’il m’inspirait se mêlait de crainte pour sa placidité orientale.


Le matin du 14 juillet 1871, je flânais assez tardivement au lit, ayant célébré dès la veille la commémoration de la prise de la Bastille, lorsque, dans le