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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/338

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ta gouverne, et ils mettent toute la Grèce antique dans ma maison.

Je crois bien que c’était lui qui l’y mettait, dans sa maison, cette Grèce antique, car il n’avait, pour cela faire, qu’à y laisser courir son âme, la plus antique qui fût jamais. Il n’a pas eu la déception de voir son cher Ingres, la perle de sa galerie, tomber à un prix dérisoire sous le marteau d’ivoire du commissaire priseur, soit à douze cent vingt francs par tête de pompiers académiques.

De même qu’il tenait ces « Tragiques » en présent du vieux maître de La Source, il avait aussi sa Lady Macbeth, de la main amicale d’Eugène Delacroix, comme lui grand shakespearien devant l’Éternel. Gautier, dans La Presse d’Émile de Girardin, avait intrépidement combattu sous l’étendard « cruciste » et contondu des crânes bourgeois à la gloire du maître de Sardanapale, et c’était en remerciement qu’il en avait reçu cette carte de visite. Elle figurait la scène où lady Macbeth, vêtue de blanc nocturne et la lampe au poing gauche, aperçoit sur sa dextre la tache de sang indélébile. À la vente posthume du poète, ce cadre, de 40 centimètres sur 30, fut acheté au prix de 7.000 francs, et il en vaut aujourd’hui de 30 à 40.000, au bas mot. Mais là n’est pas son intérêt et, quelque valeur qu’il atteigne, elle restera toujours au-dessous de l’honneur qui s’y attache, d’avoir pendant trente années décoré les aîtres de Théophile Gautier.

Paul Baudry y avait suspendu une délicieuse esquisse de sa Diane au repos, de l’hôtel Fould ; Léon Bonnat une Pasqua Maria, petite Transtévérine, de sa manière claire ; Gérôme une Panthère