Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/378

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meurent en beauté, les Chinois meurent en courtoisie. Ils saluent le siècle et s’en vont, l’éventail au poing.

À la vérité, le roman de Tin-tun-ling lui-même, était beaucoup plus « romanesque » que son livre. Il faut prendre au pied de la lettre ce qu’il dit de son incarcération. « En 1872, je ne gouvernais pas ma raison, je me suis marié, et, pour cette cause, on m’a privé de ma liberté pendant plus de deux lunes ». Le fait est strictement exact, dans toute sa drôlerie. Le malheureux Chinois de Gautier s’était marié, en effet, et, pour cette cause et non une autre, il fut condamné à deux mois de prison. Seulement, il néglige de dire qu’il le fut pour cas avéré de bigamie.

Peut-être sa philosophie n’y voyait-elle que récidive, selon Khoung-Fou-Tseu, mais comme il était bel et bien catholique, ayant été notoirement baptisé dans sa province de Chang-Si, le tribunal civil de la Ville Lumière ne l’entendit pas de cette oreille. Ce que c’est pourtant que la différence des principes et comme ils varient avec les latitudes. En Chine, on a droit, outre à la « thsi », ou épouse légitime, à un nombre illimité de femmes secondaires, dites : « petites femmes », comme chez nous du reste, mais c’est tout ce que permette, en l’espèce, l’article 103 du Code Impérial. Quatre-vingt-dix coups de bambou, toujours doublés par le bourreau, punissent, au Chang-Si, ou ailleurs, les prévaricateurs dudit article qui élèvent au titre et à l’emploi de « thsi » une femme secondaire. De telle sorte que ce déraciné de Tin-tun-ling ne savait plus où aller. Entre les cent quatre-vingts coups de bâton d’une civilisation et les