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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/422

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ajouté qu’il hantait beaucoup chez Théophile Gautier, et que le poète l’aimait pour sa bonté et sa jovialité également inépuisables, dont abusèrent peut-être quelques faméliques du Pinde. Le comte Barni était le type de celui qui régale. Il est du reste mort pauvre.

L’aventure de Julia Grisi fut plus retentissante et plus longue. C’était une admirable tragédienne lyrique, supérieure à la Pasta et presque l’égale de la Malibran. Elle avait débuté à seize ans et elle s’en alla en 1869, au bout de quarante et un ans de carrière. Elle s’était, elle aussi, mariée avec un gentilhomme, Gérard de Melcy, dont la justice la sépara à la suite d’un procès à grand tapage. Un autre mariage, de la main gauche, scellé par la baguette de la fée Morgane, l’unit alors au marquis de Candia, plus connu sous le pseudonyme de Mario, et son camarade au Théâtre-Italien. Il n’y a rien à apprendre à personne de ce ténor légendaire, à la voix enchanteresse, ni du couple de rossignols célébré par tous les poètes, qui s’imposa à la pudique Albion elle-même, y percha et y nicha. Les amours d’art échappent aux rigueurs de la morale, et quand deux êtres beaux et géniaux posent à la société le problème de leur union libre, elle en passe la solution à la nature.

La branche cadette des Grisi se composait de quatre enfants d’un sieur Grisi, employé au cadastre et dont j’ignore le prénom et la vie, restée obscure. Une fille aînée, privée de dons artistiques, est, comme lui, demeurée dans l’ombre du geste de famille et sa descendance habite Crémone.

La deuxième, nommée Marina, eut une fortune