Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/57

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Elles semblaient être si heureuses, les élèves de la pension Sarcey, elles avaient l’air de tant aimer leurs maîtresses, la mère et la fille, elles jouaient à des jeux si tentants, de vrais jeux de garçons, où l’on saute, où l’on court, où l’on s’attrape et se chamaille, qu’un beau jour je n’y tins plus, j’entrai derrière les ménagères.

— Eh bien ! Émile ! fit sévèrement Mlle Sarcey, qui était la directrice en titre du pensionnat, c’est une école de filles !

Mais la bonne maman était intervenue. Il y avait cas d’exception, d’abord à cause des obligations qu’on devait à ma famille et ensuite parce que j’aidais toujours de bonne grâce à porter les provisions.

Elle était la bonté incarnée, la mère de mon futur détracteur, et jamais son affection pour moi ne s’est démentie, même au plus fort des coups que nous nous sommes, l’un et l’autre, assénés, d’auteur à critique, dans l’absurde bataille littéraire. J’ai su qu’elle m’avait amorti les plus durs en souvenir du louveteau joyeux introduit par elle dans la bergerie dourdanoternoise.

Mon succès y avait été immense. J’y menais le jeu comme dans la tragédie antique, ou plutôt dans le gymnase grec, et j’y restituais, sans m’en douter, le système platonicien de l’éducation intersexuelle. Ce fut au milieu d’une palestre qu’un homme assez jeune encore, corpulent, myope et barbu, d’allure bon enfant, m’apparut sur le perron du pavillon.

— Monsieur Francisque ! s’était écrié le chœur des fillettes.

Et je vis l’Oncle de l’avenir.

Il ne m’était inconnu que d’apparence. On ne par-