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tout de même en les confiant à dame Sorbonne. Si elle les étouffe, c’est en s’asseyant dessus, par distraction, comme la mère Gigogne, et l’on a des chances d’échapper en se cachant dans ses bibliothèques.

Ce fut Mlle Sarcey qui me présenta à son frère. Ma présence dans la cour de récréation s’expliquait, comme la sienne du reste, par les vacances scolaires. Le professeur venait du lycée de Grenoble, l’écolier du collège de Poitiers, étrange pépinière d’âmes, dont je vous parlerai un jour ou l’autre, si étrange que j’y ai laissé la foi de ma grand’mère et des croyances plus chères encore.

— C’est le petit Bergerat, dont je t’ai parlé dans ma lettre. Il fait déjà des vers.

— Oh ! oh ! Un peu tôt ! avait souri paternellement le grand normalien modèle. Et, me prenant sous le bras, en oncle, déjà, il m’apostropha en ces termes, inoubliables, inoubliés :

— Où en es-tu avec Cicéron ?


Où j’en étais avec Cicéron ? Tout simplement à le connaître. Le docte universitaire n’en crut pas ses oreilles — ces fameuses oreilles sur l’épanouissement desquelles Villemessant devait tant le blaguer — et il me fit renouveler l’aveu de mon ignorance.

— Ah ça ! mais, qu’est-ce qu’ils vous apprennent donc, dans les jésuitières ? À ton âge, About et moi, au lycée Charlemagne, nous traduisions le De Officiis à livre ouvert. Que sais-tu en latin ?

— Je sais, fis-je timidement, je sais retrancher les « que » !…

Ceux qui ont connu Francisque Sarcey, qui, tel il était, tel il est resté jusqu’à sa mort épris de grosses