Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/61

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Siècle et Les Débats, et plus souvent encore devant sa glace, en chemise, soufflant dans une flûte, à l’instar du dieu Pan lui-même, mais moins bocagèrement, il faut le reconnaître.

— Assieds-toi, me jetait-il sans se déranger, et va, je te suis. Tu penses bien que je n’ai pas besoin du texte ? Je les connais, hein, les Catilinaires ? Traduis, je t’écoute, jeune retrancheur de « que ».

Et c’était au son de la flûte que je m’initiais au style tullien dont me distrayaient seules les parties de volants des petites pensionnaires.

Je n’ai été élève de Francisque Sarcey que pendant deux mois, mais cela me suffit pour comprendre pourquoi il a voulu que, sur sa dalle, au titre de journaliste, fût ajouté celui de : professeur. Il l’était d’âme et de corps, merveilleusement, et il en avait conscience. Son épitaphe est son plus beau trait de critique. Certes, l’œuvre de presse est considérable, d’un labeur magnifique, et souvent même d’une raison supérieure, mais l’acquis y dépasse le don, s’il n’est pas mieux de dire qu’il y supplée ; le maître, c’est le pédagogue, au sens vénérable et étymologique du mot. En Sarcey, le journaliste était de la main d’About, le professeur de celle du bon Dieu.

J’attribue sans hésiter à ces soixante jours de « flûte » l’initiation littéraire à laquelle j’aurai dû, pour ma modeste contribution, tant de joies et tant de déboires alternés et mêlés, car le docteur, en peu de temps, me fit aller très vite, soit des Catilinaires aux Géorgiques, et il me regagna les jours perdus. Son enseignement était bienveillant, indulgent et gai, et je jurerais que, dans les divers collèges où il traîna sa toge avant de la jeter, avec sa barbe, aux