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avait été soldat de la Grande Armée — il était frère, je crois, de ce de Gonet, l’éditeur de Grandville et des Animaux peints par eux-mêmes qu’on trouvait alors dans tous les salons de la bourgeoisie française — m’écoutait en silence. Comme tous les prêtres séculiers du diocèse de Paris, il était gallican et il détestait les hommes du Gesù, qui sont les plus militants des internationalistes. Au grand étonnement des miens, il prit mon parti dans la querelle de famille, et son avis décida de la volte-face de mon éducation. Ma mère elle-même, qui, depuis la mort de mon père, flottait entre diverses influences et subissait les lois de la situation précaire où cette mort l’avait laissée, se prévalut de son autorité de tutrice pour diriger mes études dans une voie plus libérale que celle où, visiblement, je languissais, et tout fut dit, je fus dévoué à Charlemagne.

Mon premier soin avait été de courir au pensionnat remercier M. Francisque d’un événement dont il était la providence. Ce matin-là, il ne jouait plus des pipeaux d’Aristée. Penché sur une table, il écrivait.

— Comme c’est drôle, remarqua-t-il, tu entres à l’Université au moment où je la quitte ! Mais j’ai idée que nous nous retrouverons !

Il ne croyait pas si bien dire.

Et nous nous retrouvâmes, en effet, huit ans après, au printemps de 1867, à mon retour de Menton.

Je dois dire que, armé déjà de la férule sacerdotale, il avait été, dans l’Opinion Nationale de Guéroult, fort indulgent pour ma pièce de début, Une Amie, dont je vous ai conté l’histoire. Nous nous revîmes donc avec plaisir l’un et l’autre, lui, parce qu’il me croyait mort depuis longtemps, et moi, parce que je lui