Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/64

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avais voué une vive gratitude pour le rôle salutaire qu’il avait joué dans la réforme de mon éducation.

Quoi qu’on ait à penser de la valeur artistique de son œuvre, l’homme de lettres qu’Alphonse Allais a surnommé : l’Oncle, a toujours été un travailleur admirable, et même extraordinaire, décidé à ne tenir que de sa plume son pain et celui des siens, et bûchant à l’établi du matin au soir en conséquence. Soyez sûr qu’il n’a dû qu’à cette vertu la popularité, de jour en jour grandissante, dont il a joui jusqu’au trépas. Le jugement du peuple est toujours équitable en ces matières ; il s’entend au bon ouvrier, et dans toutes les parties, même la nôtre. Rappelez-vous l’hommage, si expressif en son laconisme, que tout Paris rendit au tâcheron herculéen de la presse française lorsque, pour la première fois en quarante ans, son feuilleton dramatique manqua, un dimanche, au rez-de-chaussée du Temps. Il n’y eut qu’un cri : Sarcey est mort. Pourtant, il ne l’était pas encore, mais on n’imaginait même pas qu’il ne fût que malade. Il n’y avait pour lui qu’un repos, le dernier. Quelle oraison funèbre fut jamais plus éloquente, et j’ajoute, plus anthologique ?

En 1867 il menait déjà ce labeur exemplaire, celui que Virgile taxe de « malhonnête », labor improbus, car improbus veut parfaitement dire : improbe, et ne saurait être traduit autrement sans trahison du verbe poétique. Non content d’écrire dans tous les journaux de l’époque, et ils pullulaient, il dirigeait une publication fondée par Moïse Millaud et nommée : le Journal littéraire. C’était une sorte de magazine de seize feuilles, le premier du genre en France, et assez semblable aux Annales que publie aujourd’hui