Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/219

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au violon que tu vois dans la buée de tes souvenirs ; la pose de l’instrumentiste n’est pas la même ; à un peintre tel que toi je rougis de l’apprendre.

L’un de nous, l’érudit Maurice Montégut qui savait sur le bout du doigt ses « dix-huit années de corruption » et pouvait en être le Suétone, rappela, d’après les chroniques, que Vivier, persona grata aux Tuileries, « exerçait » surtout à Compiègne, pendant les orgies du Tibère. — C’est là, narrait-il, que du fond de la forêt, il exécutait à lui seul toute une chasse du roi Dagobert, sur l’air du même nom, avec les abois des chiens, la plainte du cerf, l’hallali au clair de lune, le hennissement des palefrois et les petits cris des dames du temps, reconstitués en quatre notes.

— J’en aurai le cœur net, déclara le chroniqueur, qui, lié avec le marquis de Massa, lui soumit le point litigieux. — À Compiègne, fut la réponse, Eugène Vivier, si c’est le même, n’était invité que comme fumiste. Il amusait follement l’Empereur et surtout l’Impératrice, mais ses charges étaient trop longues. Voilà tout ce que je peux vous en dire.

Le lendemain Scholl nous lut sur son calepin une nouvelle à la main destinée à L’Événement et qui était à peu près libellée comme suit : — « La reprise d’Hernani, tant attendue, est ajournée. M. Émile Perrin, toujours si scrupuleux dans sa mise en scène, avait rêvé de faire exprimer au cor de Ruy Gomez toute la douleur du vieillard outragé dans son amour conjugal, le désir grandissant de sa vengeance et cent autres sentiments dont les vers de son rôle sont comme gonflés, en scène ou dans la coulisse. Un seul homme pouvait réaliser la pensée de l’admirable directeur, et cet homme était Eugène Vivier, l’artiste