Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/241

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Fluette, il lui faut
Plier ce défaut
Au rôle d’adjointe

Et souffrir, mêlé
Au vert de sa pointe
L’or de l’œuf brouillé.

Dans notre chère France, patrie de Voltaire, qui s’en fit suisse, l’homme haï d’instinct, pour ne pas dire de race, c’est l’homme d’esprit. En cas de république il est abominé. Monselet, fils de libraire, bibliophile infaillible et ne vivant que pour les livres, en outre démocrate militant et de la première heure, n’a eu sur terre qu’un rêve : finir ses jours sur un rond de cuir de bibliothécaire chez Marianne. Hélas, il avait fait le sonnet du « Cochon », celui de « L’Asperge », d’autres encore, très drôles, parbleu, et de la meilleure langue française, à qui le dites-vous, mais il y avait perdu le prestige. — Quel prestige ? — Cette gravité propre aux chartistes de naissance, le décorum du palimpseste.

— Et pourtant, disait-il, je porte des lunettes rondes !

Il s’en est allé, pauvre et souriant toujours, sans avoir décroché son modeste poste qui, pour lui au moins n’eût pas été une sinécure. Je ne sais pas pourquoi on reste républicain à cinquante ans passés. Le demi-siècle prescrit cette puérilité.

Quelque temps avant son départ je le rencontre trottinant et le nez en l’air sur l’asphalte. — Où vas-tu de ton petit pas d’abbé de ruelle, père Charles ? — Tout l’indique, frère Émile, à la salle Sylvestre où se tient le marché des livres. — Acheter des incunables ? — Non, vendre les miens. — Pour ? —