Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/134

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Entouré de quelques ouvrières dont sa dévouée compagne guidait les travaux d’aiguille, il ne se reposait que par la guitare, chiquant comme les Murciens eux-mêmes l’un de ces piments enragés qui semblent des baies de buissons ardents et emporté par la furie de surmenage où il devait un jour laisser hélas ! sa santé, puis sa vie.

S’il reste des contemporains, ayant assisté à cette nuit de l’Hippodrome, ils ne me contrediront pas lorsque je raconte que le pavillon de La Vie Moderne, établi sur quatre poteaux tournés en lance de tournoi, couvert d’un dais fleuronné d’arabesques, drapé de banderoles de velours incarnat qu’écussonnaient les armoiries, prises à l’Armeria Reale, des divers « royaumes » d’Espagne, accapara tout le succès du festival. Daniel Vierge y avait résumé en quatre mètres carrés l’expression totale du génie hispano-mauresque.

Deux massiers, magnifiques dans leurs dalmatiques de pourpre lisérée d’or, la masse sur l’épaule et coiffés de la toque noire à plumes blanches, se dressaient au pied d’estrade et n’y bougèrent pas plus que sous l’œil de Charles Quint. Ce fut entre eux que Sarah Bernhardt mena la vente avec le propre marteau de commissaire-priseur de Charles Pillet, que ce vieil ami du temps des catalogues m’avait, à ma prière, envoyé pour la circonstance.

« Mon cher ami, voici le marteau demandé. Il en sort des pièces d’or à tout coup. Nul doute qu’il ne fasse merveille aux mains de sa nouvelle propriétaire. Je n’ai pas besoin de vous dire qu’à compter de demain il me deviendra plus précieux et plus cher. À vous, Charles Pillet. »